Toute réflexion sur le traçage numérique nécessite un débat démocratique et le respect des droits fondamentaux

[ Original @ Ligue des Droits Humains ]

La Ligue des droits humains était entendue ce 28 avril 2020 en Commission économie de la Chambre des représentants au sujet du développement potentiel d’une application mobile pour lutter contre le coronavirus et les enjeux qu’un tel développement suscite en termes de droits humains. Le texte de loi sera discuté demain en Commission justice de la Chambre des représentants. Il est fondamental que le parlement s’empare de ce débat et s’assure de répondre aux préoccupations essentielles relatives aux droits fondamentaux.

La Ligue des droits humains a dû constater à l’occasion de cette audition que la Data & Technology Task Force mise en place sur cette question a déjà avancé concrètement sur les solutions technologiques alors même qu’aucun cadre légal n’existe pour le moment. Or, toute atteinte au droit au respect de la vie privée doit impérativement être nécessaire dans une société démocratique et prévue par une loi, en application notamment de l’article 22 de la Constitution et l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme.

Il est fondamental que l’adoption d’un quelconque système de suivi des déplacements des citoyen·ne·s fasse l’objet d’un véritable débat démocratique, en toute transparence, ce qui n’est pas le cas à ce stade. Il s’agit de faire des choix essentiels en termes de projet de société, pour le futur. Le parlement doit donc se donner les moyens nécessaires pour mener à bien ce débat et prendre sa place dans l’adoption du cadre légal dans lequel les mesures envisagées pourront être mises en œuvre.

Il conviendra également, outre la consultation indispensable d’expert·e·s, de prendre les avis des autorités compétentes (Conseil d’Etat et Autorité de protection des données notamment) quant aux mesures envisagées, lesquelles devront s’exprimer en toute impartialité et dans une stricte indépendance.

Il convient également de s’assurer que les procédés adoptés sont ceux qui, avec des résultats similaires, sont les moins invasifs pour la vie privée, ce qui suppose, comme la loi le prévoit, une analyse comparée d’impact. Toutes les options possibles doivent être examinées et évaluées et le procédé choisi doit être partie intégrante d’une stratégie globale dans laquelle il s’inscrit.

Le cadre légal doit garantir que les mesures sont proportionnelles à l’objectif poursuivi et que les données collectées ne soient pas utilisées à d’autres fins. Le consentement des personnes concernées doit être libre et éclairé par des informations précises. La collecte ne peut être effectuée que sur une base volontaire. La question de l’anonymisation des données est également essentielle, notamment dans la perspective d’un call center qui collecterait lesdites données.

Les mesures doivent également être strictement limitées dans le temps. Le risque est en effet réel de voir se pérenniser les moyens de surveillance adoptés dans un contexte de crise, en l’absence de détermination d’un cadre légal strict et de finalités précises. La conservation limitée et l’effacement automatique des données doivent donc également être déterminés, en rapport direct avec l’objectif poursuivi.

Enfin, la mise en œuvre d’un système de suivi des personnes atteintes du coronavirus contient, en outre, des risques d’atteintes aux droits fondamentaux autres que celui du respect de la vie privée : libertés d’association, de réunion, d’expression, droit à la non-discrimination mais aussi des risques d’atteintes aux droits économiques sociaux et culturels, lesquels doivent également être pris en considération.

[ Original @ Ligue des Droits Humains ]